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Ces derniers jours, nous avons aimé

Alexandre Seurat, La Maladroite (Éditions du Rouergue)
Inspiré d’un fait réel de maltraitance infantile, ce premier roman est un véritable coup de poing. Pour Diana, même l’arrivée au monde a été abrupte. Abandonnée par sa mère à la naissance pour cause de séparation avec le père, présentée comme « mort-née » pour couper court aux interrogations de la famille, Diana végète pendant un mois dans un service, le temps pour sa mère de changer d’avis et d’aller la rechercher à contrecœur. La mère ne parvient jamais à s’attacher complètement à sa fille. Dans l’intimité de la famille, la tante et la grand-mère surprennent, lors de visites pourtant rares, les prémices de comportements violents vis-à-vis de la petite Diana. Elles osent le faire remarquer ; les parents, désormais réconciliés, déménagent sans laisser d’adresse. Dans la Maladroite, c’est l’entourage qui raconte le drame dont ils sont témoins : la tante et la grand-mère d’abord, puis les instituteurs, les directeurs d’école, les pédiatres, les gendarmes, les assistants sociaux, et même le grand frère de Diana. Ce roman, extrêmement bien maîtrisé, met en scène une véritable tragédie, au sens plein et premier du terme : la petite Diana marche inéluctablement vers son terrible destin, et nous en sommes tous les témoins impuissants.
Marcello Fois, Cris, Murmures et Rugissements (Seuil) Traduit de l'italien par Nathalie Bauer
Marinella et Alessandra se retrouvent pour la première fois dans la maison de leur père qui vient de mourir. Il les a abandonnées quarante ans plus tôt, ainsi que leur mère. Elles avaient huit ans. Le moment est forcément intense et chargé de souvenirs et de haine. La tension entre les deux sœurs est d’autant plus extrême qu’elles sont jumelles. Et elles se connaissent si intimement qu’elles peuvent anticiper les réactions de l’autre au mot, voire à l’intonation près. Si elles sont jumelles, Marinella et Alessandra n’en sont pas pareilles pour autant et le rapport de force entre elles, qui date de l’enfance, se rétablit instantanément. Le récit s’annonce comme un bras de fer dans un huis-clos mais l’affrontement entre les deux sœurs, qui tout en revendiquant leur sincérité ne cessent de se mentir, va être compliqué par l’intrusion de la voisine de palier qui était sans doute la maîtresse de leur père. L’écriture est d’un classicisme un peu intemporel, sans fioriture, presque blanche. Mais l’émotion, perceptible en creux, est constante et poignante. Le roman est court et peut se lire d’une traite, le temps que dure la rencontre.
Coup de cœur des libraires
Cette rentrée, la librairie Livre aux trésors vous conseille chaleureusement de lire :
Mathias Énard, Boussole (Actes Sud)

« (…) Alors que notre monde s’enfonce dans la peur de l’Autre et que cette dernière image avale toutes les autres comme un trou noir attire à lui toute lumière, au point que nombre de nos compatriotes en viennent à confondre les victimes et les bourreaux, réclamant de fermer les frontières et de noyer les survivants dans la Méditerranée – en tout cas de les abandonner à leur sort —, Boussole fait office d’antidote aux simplismes et approximations de ceux qui voient dans l’horreur qui se déroule en Syrie et en Irak l’occasion rêvée d’affirmer le rejet de l’Arabe, du Perse et du Berbère et de tout ce qui, de près ou de loin, se rapporte à l’Islam. Par son érudition généreuse, Boussole rappelle que l’Orient fut pendant des siècles le réceptacle de nos rêves d’aventures et de nos fantasmes, de nos envies d’ailleurs bercées de ces noms merveilleux, Assouan, Beyrouth, Damas, Kandahar, Aden ou Bānyās, à eux seuls promesse d’une vie exaltante. Boussole dresse le portrait des femmes et des hommes, savants ou militaires, artistes, aventuriers, bien ou mal intentionnés, amoureux sincères ou colonisateurs âpres au gain, partis d’Europe pour fixer leur existence dans les sables, parce que ces territoires étaient chargés d’un imaginaire de sensualité et d’étrangeté, investi de tous les possibles. Mieux encore, Mathias Énard s’attache à dire tout ce que nos cultures européennes, si fières de leurs propres accomplissements, doivent aux métissages et à des siècles de frottements avec ceux que le bon peuple d’Europe ne voit plus aujourd’hui que comme un ramassis de terroristes fanatisés. Boussole est un livre gourmand de l’Autre, ébloui par la Beauté de la poésie persane, par l’élévation de la musique arabe, par la philosophie, l’architecture, l’esprit riche et joyeux des hommes et des femmes qui habitent ces pays, par les mille nuances de ces merveilles que nous ignorons bien souvent, persuadés que nous sommes de notre propre grandeur. (…) » Pour lire cette critique belle et engagée dans son intégralité, rendez-vous sur le blog de Librel.
Le Carnet et les Instants
Librel est partenaire du Carnet et les Instants, une revue publiée par le Service de la Promotion des Lettres du Ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles pour faire découvrir les Lettres belges au grand public.
Emmanuelle Pirotte, Today we live (Cherche-Midi)

Une chronique de Marguerite Roman, écrite pour le Carnet et les Instants « (…) Quiconque lira la quatrième de couverture du premier roman d’Emmanuelle Pirotte a toutes les chances d’acheter le livre. En effet, elle est d’une efficacité redoutable ; l’accroche part à 100 à l’heure et les premières péripéties ainsi dévoilées se découvrent dans les dix première pages. À partir de là, on est immanquablement pris par le suspense ; l’auteure n’est pas scénariste pour rien. Dans la famille cinématographique « western », on demande généralement « le bon, la brute et le truand ». Dans la famille « huis-clos », on retrouve immanquablement le héros, la brave personne, le lâche, le gentil, le salaud et quelques autres… L’action se situe pendant la bataille des Ardennes (décembre 1944 – janvier 1945), pas loin de Stoumont, dans la ferme de Jules Paquet où vivent retranchés et cachés dans les caves, outre la famille du fermier, quelques voisins qui s’y sont réfugiés après avoir perdu leur maison dans les derniers bombardements. Le danger permanent lié à la guerre, l’attente anxieuse des bonnes ou des mauvaises nouvelles, la cohabitation plus ou moins facile avec des militaires américains et puis allemands, les conditions de vie précaires, la promiscuité imposée, tout cela va favoriser l’éclosion de tensions et de réactions extrêmes. (…) Bref, voilà un récit efficace et bien mené, romanesque mais sans excès excessif, qui se découvre avec impatience et se lit avec plaisir. Très belle réussite pour un premier roman. » Pour lire la critique dans son intégralité, rendez-vous à l'adresse : http://le-carnet-et-les-instants.net/2015/09/02/pirotte-today-we-live/
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